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Jef Geys

On ne voit pas ce qu’on croit voir

02 02 19 05 2024

« Indisciplinée et inclassable dans les catégories classiques de l’histoire de l’art », telle est généralement la description qui est faite de l’œuvre de Jef Geys (1934-2018). Bien que l'exposition ambitieuse organisée au WIELS insiste sur l’attitude subversive et anti-académique de Geys elle révèle tout autant l’humour et la sensualité de sa pratique, à la fois engagée et socialement critique.

« Ce qu'on voit, est-ce bien ce qu'on croit voir ? Et pourquoi pouvons-nous entreprendre si peu de choses avec ce que nous voyons ? » a écrit Jef Geys en 1991. Notre perception et notre vision sont influencées par des hypothèses, des convictions et des habitudes, auxquelles contribuent l’éducation, les médias de masse et la publicité. Par son attitude toujours critique à l’égard des images et du langage, Geys a toujours eu l’intention de révéler « ce qui était caché, ce qu’on croyait voir » et de favoriser nos interprétations personnelles, sceptiques et autoréflexives. Cette aspiration est la genèse de cette exposition d’aperçu, enrichie de documents inédits et exceptionnels provenant des archives de l’artiste, complétant son œuvre hétéroclite.

Dès le début des années 1960, Jef Geys accumule sa documentation dans son archive personnelle, qu’il organise à l’aide de « listes d’œuvres » de toutes les activités qu’il considérait comme faisant partie de sa pratique artistique. Sa liste finale, qui comporte 844 numéros, s’ouvre sur des photos et des dessins datant de ses années d’école chez les Frères de la Charité, pour donner ensuite un aperçu de quelque 60 ans de travail. Du case-study d’un cycliste débutant à la réalisation d’une étude botanique pour l’automédication ; de la conception de pédagogies alternatives pour sa classe à l’organisation de conseils de quartier pour une démocratie directe dans son village ; de dessins d’étude de formes et des peintures modèles qui s’amusent des goûts et des genres traditionnels aux poupées laquées et aux reliefs sensuels de fruits; d’actions performatives à la photographie conceptuelle; de textes « ouverts » aux films instructifs, les œuvres répertoriées sont très hétérogènes, dialoguant avec la pratique artistique mais aussi d’autres disciplines comme la biologie, l’architecture, la sociologie et l’anthropologie, faisant de Geys un précurseur de l’approche interdisciplinaire.

« Pour moi, il est le plus important d’exprimer mes problèmes aussi clairement que possible, sous une forme et d’une manière évidente. Qu’il s’agisse d’un objet, d’un projet ou d’un tableau, peu importe. J’essaie de me faire ma propre idée et, pour y arriver, je dois parfois fabriquer quelque chose, parfois écrire quelque chose, et parfois faire sauter le musée. Pour visualiser la situation, c’est à l’auto-apprentissage que je dois avoir recours. »

Jef Geys

L’œuvre de Geys, qui part toujours de questions et de problèmes particuliers, peut être comprise comme un processus d’apprentissage à vie, correspondant à une acquisition continue de connaissances, du numéro 1 au numéro 844. Une acquisition de connaissances à laquelle il a associé divers publics – étudiant.e.s, visiteu.se.r.s de musées, villageois.es, membres de sa famille, tenancièr.e.s de bars, etc – à l’intérieur, mais surtout en marge des cercles artistiques et académiques traditionnels.

L’exposition est accompagnée d’une première monographie d’aperçu du travail de Jef Geys, sous la rédaction de Charlotte Friling, assistée par Oriana Lemmens et Kaat Obbels, publiée en collaboration avec MER / Borgerhoff & Lamberigts, et dans un graphisme de Joris Kritis. Le titre, Catalogue Raisonnable, est emprunté à un projet pour une publication d’aperçu retrouvé dans l’archive de Geys. Les recherches approfondies, l’accès aux archives de l’artiste et l’étroite collaboration avec ses proches, amis, amies, connaissances et acteurs du milieu ont permis au WIELS de compiler cet ouvrage et cette exposition, qui tous deux, assureront une meilleure compréhension de la vie et de l’héritage intellectuel de Jef Geys.

Commissaires : Charlotte Friling & Dirk Snauwaert
Assistés par
Liska Brams, Oriana Lemmens & Kaat Obbels
En étroite collaboration avec la Jef Geys Succession / KAZINI

Avec le soutien généreux de :
Exhibition Circle Jef Geys
Publication Circle Jef Geys
Fondation Willame
Galerie Greta Meert
Galerie Jamar

En collaboration avec : Air de Paris, Maxwell Graham Gallery, Galerie Max Mayer, Micheline Szwajcer

Sous les auspices de la Présidence Belge de la Commission Européenne

À PROPOS DE L’ARTISTE

Jef Geys (1934-2018) aimait se présenter dans les catalogues comme « Né à Bourg-Léopold, vit à Balen ». Après une « carrière ratée dans l’armée » et une formation en publicité à l’Académie Royale des Beaux-Arts d’Anvers, il a été professeur d’"Esthétique Positive" de 1962 à 1989, à l’école secondaire publique de Balen. L’enseignement, la transmission de connaissances, l’émancipation et la réalisation de soi sont des problématiques importantes dans sa pratique et pour celles et ceux de la génération de la ‘contestation’. Entre la fin des années 1950 et 2018, il participe à une série de bouleversements en art, illustrés par une attitude d’amateur ou de dilettante, ou encore par un travail dépersonnalisé, qui vont à l'encontre de la subjectivité et de la spontanéité des générations précédentes. Par la répétition et la sérialité des multiples, il écarte la notion de l’œuvre unique et originale, et met en place des réseaux et collaborations pour soutenir l’influence culturelle et l’échange mutuel entre différentes modernités. Résolument ancré dans sa région, la Campine et Balen, il s’est tracé une trajectoire originale et souvent en porte-à-faux, allant de la fondation d’une « Centrale culturelle » – une organisation qui fournit des œuvres d’art à la demande, déconstruisant ainsi les stéréotypes de l’art populaire ou de la standardisation – à la reconnaissance internationale aux Biennales de São Paulo et de Venise, à la documenta 11 ou à Skulpturprojekte Münster 97.

Précurseur et représentant atypique de l’art conceptuel, « déconstructeur » des conventions et du langage et défenseur d’un échange culturel ouvert, Geys a été, dans de nombreux domaines, un pionnier.

With the support of

2022 Fondation Willame
Galerie Greta Meert